mardi 5 février 2013

Les pédés et les gouines ravivent la rose





L’obstruction parlementaire menée par l’opposition (contre le mariage des couples de même sexe), ses outrances, l’affichage d’un conservatisme caricatural, les références constantes à une "loi naturelle" ont eu une vertu vivifiante pour les députés socialistes.

L’introduction du débat, la défense des différentes motions de procédure, la discussion générale ont pris des airs de séminaire de ressourcement.

Les rapports de force politique étant définis par avance, l’opposition ne peut guère escompter empêcher l’adoption d’un texte voulu par la majorité. Dans ce cas précis, elle caressait peut-être, avant que ne débutent les discussions, l’idée d’exploiter les réticences exprimées par quelques parlementaires de gauche mais elle se sait trop minoritaire à l’Assemblée pour y croire vraiment (en revanche, elle veut encore penser qu’il pourrait en être autrement au Sénat où la majorité de gauche est bien plus étroite).

C’est pourquoi, les séances publiques à l’Assemblée s’apparentent très souvent à des représentations théâtrales, la réalité du travail législatif, s’étant effectuée, pour sa plus grande part, en amont.

Il s’agit surtout pour chacun de proclamer, voire de surjouer sa position.

Certains textes, à forte charge symbolique, prennent alors des airs de super productions. Avec leurs lots de premiers rôles, de héros, récurrents ou éphémères, et de figurants condamnés à faire nombre des heures et des heures. Les mieux lotis d’entre eux accédant à leurs 2 minutes d’expression. Dans ce contexte, ils ne sont pas les derniers à rêver de la réplique bien sentie.

Les premières heures, les deux camps se livrent à une surenchère de marqueurs idéologiques dans une course à l’affirmation identitaire.

Chaque alternance mène à l’Assemblée son contingent de députés novices, qui ont découvert ces derniers jours l’atmosphère enivrante des combats frontaux. Mais ils ne sont pas les seuls à s’enflammer.

L’exacerbation des antagonismes libère la parole de tous les députés. Ce n’est pas sans risque, et même les plus aguerris peuvent s’y laisser emporter. C’est d’ailleurs une des rares armes à la disposition de l’opposition, provoquer le dérapage, la sortie non contrôlée, l’incident de séance dont elle pourra ensuite se faire l’écho sans modération. Elle doit, à tout prix, pour exister exporter les débats hors de l’hémicycle, organiser leur publicité sur les plateaux de télévision, au micro des radios, provoquer un battage médiatique. Sans se fracasser sur ses propres débordements.

Cette mise en scène, cette dramatisation ostentatoire ont pour effet, dans les premières heures du débat de renvoyer chacun dans son camp.

Si les députés socialistes pouvaient, légitimement me semble-t-il, s’interroger sur ce qui les différencie de la droite, tant la frontière entre leurs politiques économiques est devenue floue, jusqu’à leurs propres yeux, l’empressement de leurs collègues de l’opposition à enfiler le costume qui leur étaient promis de vieux réacs arqueboutés sur un ordre naturel, sexiste et patriarcal est venu les rassurer sur leur altérité.

Ainsi, face aux excès, à la mauvaise foi et aux amendements insultants, ils ne défendaient pas tant le projet de loi que leur propre identité. La fierté avec laquelle ils montaient à la tribune tranchait d’ailleurs avec la discrétion dont ils avaient pu faire preuve ces derniers mois. Certes leur engagement est réconfortant mais on aurait aimé qu’ils expriment leur indignation avec la même conviction quand les attaques les dédaignaient pour se concentrer sur nous, et pas seulement pour leur permettre d’affirmer leur différence.

Il est des débats parlementaires qui permettent ainsi à chaque camp de se ressouder, à chaque député de se persuader de son utilité, et de se sentir, ne serait-ce que quelques heures, quelques jours, acteur de l’histoire.

Le projet de loi sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe est indéniablement de ceux-là. Ça ne dispense pas pour autant de mettre les mains dans le cambouis.

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